5 choses à savoir sur le Mustang
Le Mustang, cette enclave tibétaine en terre népalaise, est une des régions les plus préservées de l’Himalaya. Lancez...
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Voir nos départs garantisObjectif Lune Lo Manthang – Dhi Nous nous réveillons tôt ce matin pour rencontrer l’équipe qui va nous accompagner durant tout le trek. En plus…
Nous nous réveillons tôt ce matin pour rencontrer l’équipe qui va nous accompagner durant tout le trek. En plus de notre guide, Karma, une cuisinière et deux cavaliers nous accompagnent, avec trois chevaux de portage du matériel de trek et un cheval compagnon de route de Lhamo. Karchung et Tamding, que nous espérons revoir à Katmandou cet hiver, nous mettent le katha autour du cou, qui nous portera chance lors de notre périple à pied de Lo Manthang à Chhusang, en empruntant des sentiers encore largement méconnus connus à partir du village de Tangye. Lhamo se met en selle, Tenzin et moi déplions nos bâtons de marche et enfilons nos sacs à dos, prêts à partir. Nous quittons à regret Lo Manthang, véritable Joyau du monde tibétain, mais l’excitation est plus forte, à l’idée d’explorer à pied ce territoire sauvage, de découvrir des villages authentiques, et surtout, ces vallées perdues qui il y a un demi-siècle, abritaient le père de Tenzin et des milliers de résistants tibétains.
Départ en trek pour 10 jours Karchung et Tamding-Lo Manthang
Lhamo prête pour le trek
Apres avoir traversé une dernière fois Lo Manthang, nous descendons jusqu’aux sources chaudes et montons plein Sud par de grands zigzag assez raides avant d’atteindre un vallon qui débouche sur un plateau. Derrière nous, une imposante montagne blanche en forme pyramidale, la Sakau Danda, majestueuse, domine le paysage. Lhamo vient d’avoir une révélation: son nouveau cheval s’appelle dorénavant Khampa! Nous rejoignons des crêtes à environ 4000 m, sous un vent à décorner des bœufs. Le panorama est magnifique sur l’Ouest du Mustang et les sommets du Mustang Himal, et sur l’Est et ses canyons dominés par le Damodar Himal. A nos pieds, d’immenses canyons colorés. On se croirait dans un western-spaghetti, et je m’attends à ce qu’un Lo Pa portant un chapeau tibétain apparaisse à cheval, mais nous ne croiserons personne durant toute la marche et il en sera de même sur la plupart des étapes ultérieures de notre trek.
Sakau Danda,dans les environs de Lo Manthang
L’équipe entre Lo Manthang et Dhi
Paysage lunaire entre Lo Manthang et Dhi
Entre Lo Manthang et Dhi
Les crêtes entre Lo Manthang et Dhi
Apres 4 heures de marche aérienne débute alors la descente, sur 700 m, d’abord douce, puis raide lorsqu’on atteint une minuscule gorge au milieu de deux parois verticales d’où nous ressortons quelques minutes plus tard pour jouir d’une vue splendide sur les toits des maisons et les champs de Dhi, en contre-bas. Nous dépassons des rigsum gonpo, un groupe de trois petits autels peints, qui marquent l’entrée et la sortie du village. Ces constructions sont les protecteurs du village qui écartent les esprits malveillants. L’autel peint en rouge symbolise le dieu du savoir, le blanc personnifie la compassion et le bleu un dieu puissant qui combat les démons.
Les toits de Dhi
Au-dessus de Dhi
Nous sommes accueillis par les parents de Karma, dans leur ferme traditionnelle, qui sera notre ‘’home’’ pour la nuit. Nous nous baladons dans les potagers et les vergers qui abritent des pommiers, pruniers et noyers, et même des vignes (à 3400 m d’altitude!). Nous passons la soirée et la nuit dans le salon confortable de la maison.
Dhi, chez les parents de Karma
Réveillés avant le lever du jour par les poules qui gloussent dans la cour, nous découvrons le temple principal de la maison et petit déjeunons dans une sale qui le jouxte. Lhamo découvre un dranyen – ‘’guitare’’ tibétaine – suspendu à une poutre et Tenzin improvise une composition alors que Lhamo la regarde, médusée. Apres un petit déjeuner à base de pain tibétain et confiture d’abricot, il est bientôt l’heure de retrouver le sentier, mais nos hôtes nous offrent d’abord le traditionnel Khata – écharpe tibétaine – symbole de courtoisie et de bénédiction.
A la sortie du village, Karma nous montre des grottes creusées à la base d’une immense falaise, à 15 mn de marche du village, dans lesquelles il a passé plusieurs étés lorsqu’il était enfant, en compagnie de moines, qui lui ont appris le tibétain.
Grottes au-dessus de Yara
Après avoir emprunté un pont suspendu pour traverser la Mustang Khola à la sortie de Dhi, nous suivons un sentier en balcon pour atteindre le fond de la Puyung Khola que nous remontons. Puis nous rejoignons une piste qui nous mène au village de Yara alors que derrière nous trônent d’immenses falaises sculptées. Véritables tuyaux d’orgue à couper le souffle, les falaises de Yara sont un site emblématique du Mustang. Nous poursuivons la montée jusqu’au village de Ghara où nous déjeunons avant de repartir en direction du monastère troglodyte de Lori Gompa, site creusé dans la falaise, fondu dans la roche, et entoure d’impressionnantes cheminées de fées. Le monastère abrite une petite pièce éclairée par une fenêtre dans laquelle on admire des fresques datant probablement du 13e siècle. Apres avoir tourné autour du chorten et offert des Khata, nous retrouvons les gorges de la Puyung Khola que nous descendons jusqu’à la grotte de Tashi Kabun qui contient un chorten et de magnifiques peintures elles aussi très anciennes. Nous rentrons à Yara et sommes accueillis par une famille qui nous ouvre les portes de sa maison pour y passer la soirée. Apres avoir dîné et dansé sur des tubes tibétains, nous retrouvons avec plaisir notre tente, restée enfermée dans son sac depuis la fin de notre trek au Ladakh. Posés dans la cour de la maison, devant le paysage fantastique des tuyaux d‘orgue, notre «home sweet home » de 3m2 est entourée par l’immensité du monde.
Pont suspendu à Naya Dhey
Luri Gompa au-dessus de Yara
Entre Dhi et Yara
Ce matin, un couple d’aigles géants tourne sereinement au-dessus du village, d’une envergure qui dépasse à coup sûr les 1m50. Nous en avions vu aussi à Dhi et à Ghara, et nous en verrons de nombreux autres tout au long du trek. Nous montons par un sentier qui rejoint l’immense plateau qui sépare Yara de Naya Dhey, avant de plonger dans la vallée de Dheyshang Khola par un sentier pentu au milieu d’éboulis et d’atteindre par un immense pont suspendu le village de Naya Dhey. Tenzin et moi empruntons le pont tandis que Karma et Lhamo montés sur Khampa traversent la rivière, très large à l’abondant débit En milieu de course, Khampa s’arrête, puis reprend sa marche d’un pas hésitant, tandis que l’eau lui arrive aux trois quart des jambes… Finalement, Karma réussit à redonner confiance à Khampa qui sort de l’eau avec beaucoup de dignité. Tenzin et moi regardons la scène depuis les bords de la rivière, après avoir traversé le pont suspendu de plus de 150 m de long à 60 m de hauteur, et je me demande une fois la caravane sortie de l’eau qui de nous deux, de Khampa ou moi, avait le plus de panache durant la traversée de la rivière, et la réponse est sans appel: je n’en menais vraiment pas large!
Naya Dhey est un village construit très récemment, car l’ancien village, Dhey, situé à deux heures de marche en amont, connait un manque cruel d’eau dans depuis deux décennies, au point que la plupart des villageois ont l’ont déserté, faute de pouvoir irriguer les champs. Avec la fonte accélérée des glaciers et l’insuffisance des précipitations, le débit du torrent qui alimente le village a fortement diminué. Situé au Nord de la grande barrière himalayenne, le Mustang se trouve coupé de l’apport direct de la mousson qui, sur les versants sud du Népal, arrive de l’Inde entre les mois de mai et septembre. La région connait donc un climat aride et ne peut pratiquer qu’une agriculture irriguée, pour laquelle l’eau de la fonte des neiges constitue un apport essentiel.
L’association française Bessin Népal a vu le jour il y a une quinzaine d’années pour palier à ce problème en développant avec les villageois un nouveau village plus proche de la piste Lo Manthang – Jomosom que ne l’est Dhey, ce qui facilite le projet de développement du village, avec la plantation de pommiers qui promet une activité économique durable par la vente de fruits frais et séchés, mais aussi leur transformation en jus, confitures, cidre, et permettre aux villageois de continuer d’habiter leur territoire plutôt que d’être obligé d’émigrer.
Nous séjournons dans la maison familiale de Pema, notre cuisinière. Elle et ses parents ont fui le village de Dhey il y a environ 20 ans, pour aller s’installer à Pokhara, avant de venir habiter et développer le village et les vergers de Naya Dhey il y a quelques années. Comme eux, la plupart des familles de Dhey qui avaient du émigrer à Pokhara, Katmandu ou Jomosom, sont revenues récemment, et les 26 familles de Dhey seront bientôt toutes relogées à Naya Dhey.
L’impact humain des changements climatiques n’est pas visible seulement à Dhey. Le village de Samdzong, au Nord de Lo Manthang, vit une situation similaire, avec la source d’eau la plus proche désormais à 5 heures de marche du village. Comme Dhey, le village de Samzong se vide de ses habitants, qui sont parmi les premiers réfugiés climatiques au monde. En réalité, tout l’Himalaya est touché : selon une étude américaine récente – publiée dans la revue Science Advances – réalisée à l’aide d’images satellites datant de la guerre froide, les glaciers de la chaîne himalayenne fondent deux fois plus vite qu’au siècle dernier. La région, appelé le troisième pôle (après l’Arctique et l’Antarctique), qui abrite 650 glaciers, a perdu un quart de sa glace en quarante ans.
D’après le rapport de l’ICIMOD, fruit de 5 ans de travail de 350 chercheurs, la disparition des glaciers de l’Himalaya aura des conséquences pour les 250 millions d’habitants de ces montagnes et les 1,65 milliards d’habitants qui vivent dans les bassins fluviaux en aval. Car les glaciers sont vitaux pour l’eau potable, l’irrigation ou l’hydroélectricité des vallées. Leur fonte va modifier le régime hydraulique des grands fleuves comme le Gange, le Mékong ou encore le Fleuve Jaune. Il y aura un impact sur le débit et le calendrier des crues. Autre danger pour les populations, le risque de laves torrentielles, coulées d’eau et de pierres, car quand la surface des glaciers diminue, très souvent des lacs se forment. Ces lacs glaciaires peuvent céder et créer des vidanges brutales, situations qui existent déjà au Népal ou encore au Ladakh depuis quelques années. Des inondations qui menacent des populations déjà démunies et surtout mal préparées face au risque de catastrophe naturelle. Les auteurs du rapport estiment qu’il faudrait injecter dans la région entre 3,2 et 4,6 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour qu’elles s’adaptent au changement climatique.
Le sentier monte sur 600 mètres de dénivelée pour atteindre un col à presque 4000 m d’où la vue est plombée par une masse nuageuse angoissante. S’en suit un grand plateau profondément entaillé de canyons spectaculaires. Le décor minéral semble irréel.
Plus les jours passent et plus j’éprouve du plaisir à marcher. La lenteur, l’intemporalité de la marche en fait le mode de locomotion le plus expérientiel qui soit. Lorsqu’on marche, on se fond dans l’environnement, on fait partie intégrante de ce qui nous entoure. Fréderic Gros exprime très bien ce que je ressens en marchant dans cet espace minéral aux couleurs infinies, lorsqu’il écrit: ‘’La marche installe le promeneur au creux même du paysage […] Le marcheur habite un paysage, il y est love, loge par la répétition indéfinie de ses pas’’. Et de poursuivre sur la marche qui ‘’permet de comprendre que la présence est une manière d’habiter le monde […] Quand vous marchez, l’intérêt est de ne plus avoir d’histoire, d’être juste un corps qui marche; non pas cette fois aller à la rencontre de soi-même mais marcher pour n’être plus personne en particulier, juste un courant de vie immémorial […] C’est l’ultime liberté du marcheur, lorsqu’il touche à quelque chose qui est de l’ordre du renoncement, du détachement parfait qu’évoque la philosophie hindoue, indiffèrent au passé comme au futur et dans l’éternel présent de la coïncidence, une sorte d’instant perpétuel où il ne réclame plus rien’’.
Lhamo et Tenzin entre Naya Dhey et Tangye
La descente est spectaculaire, d’abord dans un goulet pentu avant de longer la grande falaise qui domine les maisons de Tangye. A peine arrivés au campement, nous partons découvrir le village et longeons un mur à mani, mur de pierres sur lesquelles sont gravées des mantras, inscriptions religieuses. Celui-ci, de la taille d’un homme, étire son alignement sur une centaine de mètres. La beauté du village nous laisse sans voix: des maisons blanches séparées par de mini ruelles en terre battue, un groupe de superbes chorten, des champs d’orge et de sarrazin en contre bas et une falaise en tuyaux d’orgue qui se dresse au-dessus du village. Tangye est un Joyau, l’un de ses villages que l’on garde en mémoire pour l’éternité.
Tangye
Village de Tangye
Paisible paysage du village de Tangye
Revenus au campement, Lhamo fait la connaissance de Tsering, un garçon de 10 ans dont les parents tiennent un lodge adjacent au campement. Tsering et Lhamo parlent suffisamment anglais pour pouvoir communiquer aisément, et ils jouent bientôt à un jeu qui pourrait se rapprocher du croquet et du cricket, avec un bâton et une petite balle de plastique. Ce jeu les amuse tant que seule la tombée de la nuit les oblige à s’arrêter. C’est le moment que choisi Pema, notre cuisinière, pour jouer des chansons népalaises sur son téléphone mobile, ‘’speaker à fond’’, alors que Lhamo se trémousse en imitant les actrices de Bollywood. Puis Tsering va chercher un madal – tambour népalais qui se compose d’un corps cylindrique en bois et de deux faces – et commence à jouer tandis que Pema, Tenzin et Lhamo chantent ‘’Kutu Ma Kutu’’, le hit du moment. Nous chantons et dansons tard dans la soirée (selon les critères himalayens – 21 h).
Tenzin entre Nya Dhey et Tangye
Entre Yara et Nya Dhey
Petite pause entre Yara et Nya Dhey
Belle surprise au réveil… Le ciel bleu au-dessus du Phalkang Himal a le don de mettre en joie Tenzin, Lhamo et Pema, qui poursuivent le chant et les danses de la veille.
Nous profitions de notre journée ‘’OFF’’ pour déambuler dans le village, l’un des plus beaux du Mustang, d’un calme olympien en cette saison, car nombreux sont les habitants qui séjournent dans les hauts pâturages, avec leur troupeau de chèvres, de moutons et de yaks. Nous faisons la connaissance d’un villageois d’une soixantaine d’années qui nous invite à boire le thé dans sa maison.
Débute alors une longue conversation entre Tenzin et lui concernant la présence des Khampa au Mustang. Il nous explique que plusieurs camps Khampa – il en dénombre huit – étaient disséminés dans la région comprise entre Tangye et Tetang, plus au sud. *‘’*On a entendu plusieurs fois des avions qui passaient au-dessus du village la nuit, et les Khampa étaient autour du village […] On les apercevait, et des armes étaient larguées de ces avions’’, et de poursuivre, ‘’lorsqu’ils buvaient, ils [les Khampa] étaient agressifs mais on en connaissait certains qui étaient gentils; mais au début ils nous volaient des chèvres et moutons, car ils n’avaient rien à manger’’.
Tenzin et moi avions lu des articles, ouvrages et documentaires sur la question des résistants Khampa et de leur présence au Mustang avant notre voyage, mais le fait d’entendre de la bouche de ce villageois, qui était alors enfant puis adolescent, que des Khampa venaient parfois dans cette maison, avec leur longs manteaux en poil de mouton, leurs vieux fusils et grands couteaux, donna beaucoup plus de corps à notre compréhension de ce que le père de Tenzin avait vécu durant toutes ces années.
Au sortir de cette conversation à bâtons rompus, Tenzin est encore plus gagnée par l’impatience d’enfin découvrir de ses propres yeux les campements Khampa, les fameux Makar – en tibétain, ‘’Ma’’ signifie ‘’guerre’’ et ‘’kar’’ signifie ‘’camp’’. Nous partons donc demain pour 5 jours de trek totalement hors des sentiers battus, loin de tout village, pour fouler les sentiers empruntés il y a un demi-siècle par Apa Gyaltsen, le Père de Tenzin.
Bibliographie : Buddha’s Warriors, de Mikel Dunham (EN), Les Cavaliers du Kham, de Michel Peissel (FR).
À suivre…
Alex Lebeuan, fondateur de Shanti Travel
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