Sucreries cinghalaises et tamoules du Nouvel An au Sri Lanka
Sucreries cinghalaises et tamoules du Nouvel An au Sri Lanka Les célébrations du Nouvel An sri-lankais, cinghalais et...
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Voir nos départs garantisPassage du Col Lalung La (5200 m) C’est le grand jour ! Le Lalung La (5200 m) est à « portée de main » et nous…
C’est le grand jour ! Le Lalung La (5200 m) est à « portée de main » et nous nous préparons avec excitation à rejoindre le col alors que le soleil brille et commence à faire fondre la glace qui s’est collée aux cailloux en bordure de la rivière Markha.
Le Top Départ est donné à 8 heures. La trentaine de trekkeurs avec qui nous avons « partagé » le camp de Nima Ling partent eux aussi, mais en direction du Konmaru La, pour rejoindre le monastère de Hemis par l’itinéraire classique du trek de la Markha. Nous nous retrouvons donc rapidement seuls à marcher en direction de l’Est vers le col de Lalung La.
Après une vingtaine de minutes de marche à plat, nous quittons la Markha, immense rivière boueuse, d’une puissance inouïe qui quittait son lit depuis 3 jours, et qui est ici, tout en haut de la vallée, un petit torrent limpide et inoffensif. Merci Markha de nous avoir laissé découvrir avec bienveillance (malgré des passages flippants) ta magnifique vallée !
La montée est progressive et nous grimpons de plus en plus doucement en évitant comme on peut de marcher sur les dizaines d’edelweiss au mètre carré qui poussent sur un terrain très minéral.
J’ai »je marche seul » en tête, – c’est fou ce que l’altitude peut mettre des chansons improbables dans la tête – et je remplace vite Goldman par un »Om Mane Padme Hum’‘ (NDLR : Célèbre mantra bouddhiste) plus approprié à mes besoins immédiats alors que nous avons dépassé les 5000 m : se connecter à soi et à sa respiration.
Un vent froid dispersé, une poussière fine dans la vallée. Le chemin dénude n’est plus que débris. Au-dessus de nous les derniers ruisseaux coulent des hauteurs enneigées, délogeant des pierres qui dégringolent sur les pentes déjà couvertes d’un lacis de schiste épars. Le ciel se fait de plus en plus lumineux à mesure que nous prenons de l’altitude et le Kang Yatse (6400 m), derrière nous, déviant à chaque fois plus majestueux lorsque que je me retourne, au fur et à mesure que nous prenons de l’altitude.
Aux alentours de 5000m, le chemin devient raide et laisse bientôt place à la neige, qui commence à s’enfoncer alors que le soleil se fait plus fort. Les derniers 300 m de dénivelés sont très longs, Lhamo a froid et s’endort, et pour éviter une chute, Tenzin la rejoint sur le cheval. Je ne parcours pas plus de cinquante pas sans devoir m’arrêter, ma poitrine se soulevant lourdement pour inspirer. Je fixe le sol et ses motifs de neige éclatante et psalmodie « Om Mane Padme Hum » tandis que mes pieds avancent comme s’ils étaient ceux d’un autre.
Nous apercevons un groupe de trekkeurs partis plus tôt qui nous précèdent. »Oh merde, on ne sera pas seuls au col » me dis-je ! A ce sentiment si puéril et égotique, je me reformule ma pensée de manière plus raisonnée : c’est en fait une bonne nouvelle, et ce pour 3 raisons : 1/ sécurité : le col est enneigé et non tracé, donc il est très utile d’avoir des trekkeurs qui le tracent pour nous 2/ convivialité s’ils sont sympas 3/ plus les trekkeurs se dispersent sur les centaines de chemins de trek du Ladakh, plus l’impact économique et social est bénéfique aux populations, et moins l’empreinte écologique est forte.
Nous n’aurons finalement pas le loisir de les trouver sympa ou pas car ils ont gardé leur avance et ont disparu de notre vue une fois le col passé. Mais nous les remercions intérieurement de s’être levé avant nous car grâce à eux, nous nous enfonçons moins dans la neige.
Soudain je me rends compte, stupéfait, que l’air est trop pauvre pour me sustenter. C’est un air vide ! Mais il n’y a rien d’autre… Je respire avec des halètements paniques. Il ne reste rien que ce filet d’oxygène. Mais il n’est pas suffisant. Après quelques minutes à psalmodier « Om Mane Padme Hum » et me fixer sur ma respiration, la fragile trinité du cœur, des poumons et du sang s’est finalement pacifiée.
Après trois heures de marche, nous arrivons au col et Tenzin lance un cri triomphant ***« Lha-***Gyel-Lho-So-So » à plusieurs reprises avec un sourire qui éclaire son visage, très vite imitée par Jigmet. « Victoire aux Dieux ! ».
De nombreux drapeaux de prière flottent au vent. Des drapeaux trop neufs aux couleurs vivent sont entremêlés avec des tissus sans âge aux couleurs pastelles, et sont constitués de cinq couleurs, qui incarnent les différents éléments. Le jaune représente la terre, le vert l’eau, le rouge le feu, le blanc l’air et le bleu l’espace.
Les lungta tibétains, littéralement « chevaux de vent », gardent les montagnes himalayennes. Porteurs d’un message de paix, ces drapeaux de prières veillent sur le monde. Montures frissonnantes, ils claquent au moindre souffle. Selon les bouddhistes tibétains, le vent caresse les formules sacrées imprimées sur les drapeaux, les disperse dans l’espace et les transmet aux dieux et à tous ceux qu’il a touché dans sa course. Chaque col himalayen abrite des lungta, car dans ces contrées réputées hostiles, loin des villages, ces étendards porte-bonheur conjurent les forces maléfiques des démons et autres mauvais génies qui règnent dans les alentours. Propices à la méditation, se parant d’ombre et de lumière, les drapeaux fluctuent au gré du vent, comme la vie sur les cimes de l’impermanence.
Du col, la vue est incroyable, avec derrière nous au Sud-Ouest le Kang Yatse et ses sommets satellites, à l’Ouest l’itinéraire que nous avons emprunté ces derniers jours, sombre, labyrinthique et intimidant, au Nord le Ladakh Range et ses 5000/5500 m d’altitude et à l’Est, le Changtang et ses vallées dessolées à perte de vue. Ce qui nous attend pour les prochains jours semble éthérée, lumineux, presque cosmique. Cet autre Ladakh, beaucoup plus rude que celui des vallées rurales est le pays des hauts plateaux. Il est parcouru par les nomades, éleveurs de chèvres de l’Himalaya et de yaks qui vivent au gré des saisons, installant leurs campements dans des plaines situées à 4 500 mètres d’altitude, ou pousse une herbe courte, cent fois broutée. Il nous faudra encore patienter quelques jours avant de rejoindre les Chang Pa, qui habitent encore des tentes en poil de yak, où ils vivent en famille, avec autour d’eux des montagnes nues, dont le sommet est perpétuellement couvert de neige.
Un vent violent nous oblige à quitter le col rapidement et descendre par un chemin schisteux et boueux entrecoupé de névés glissants. Après une heure de descente où nous croisons de nombreux yaks, nous atteignons la vallée isolée de Lalung qui nous accueille pour le déjeuner, entourés que nous sommes de marmottes qui bronzent sous le soleil à la porte de leur terrier. Il est bientôt temps de se remettre en marche et en selle car un nouveau col à 5000 m d’altitude nous attend. Au col, les petits chortens auxquels sont accrochés des drapeaux de prière abritent aussi de nombreuses cornes de bouquetin, et Lhamo s’empare de l’une d’entre elles avant de s’en servir comme d’un micro et de chanter la chanson préférée de tous les parents : »Libérez, Délivrez, je ne mentirai plus jamais » en fermant les yeux, et tournant sur 360 degrés !
A la descente, nous voyons bientôt apparaitre, dans une vallée encaissée une tache kaki, notre tente, à 300 m de dénivelée plus bas. Pour rejoindre le camp, il nous faut emprunter un chemin sinueux, étroit et en bordure de falaises à pic… Tenzin et moi évitons de communiquer notre anxiété de voir Lhamo et son cheval King se mouvoir avec insouciance sur ce sentier dangereux. Je n’ose imaginer que nous devions emprunter ce sentier sous la pluie avec les risques de glissement de terrain…
Le campement, situé en fond de vallée à 4700 m d’altitude est entouré de cols et sommets à plus de 5000/5500 m et nous nous sentons vraiment tout petits….
Nous nous réveillons très tôt avec une énergie folle, impatients que nous sommes de rejoindre le village de Gya, et de dormir dans un vrai lit. L’ascension du col – un 5000 m de plus dans les pattes – est facile et d’en haut, la vue imprenable sur le Changtang, qui nous semble si proche désormais. Tout en bas vers l’Est on devine les oasis de Lato, Gya et Rumtse. Les cultures d’orge s’étalent entre les villages, telle une langue verte, irriguées par un savant réseau de canaux, avec au-dessus le monastère de Gya qui domine, construit sur un éperon rocheux, avec son toit en cuivre qui scintille au soleil. Au-delà, des montagnes à l’infini, aux flancs râpés, qui témoignent de la rareté des pluies. Plus au Sud, on devine les sommets et les glaciers de la Grande Barriere himalayenne, qui arrête les nuages venus de la plaine du Gange.
Alors que nous nous apprêtons à descendre, Jigmet reçoit un coup de téléphone – nous n’avions pas de réseau depuis une semaine – et sa femme lui annonce qu’il est papa – pour la première fois – d’une petite fille depuis une semaine, jour où nous nous dirigions en jeep a notre 1er camp de Sakya. Une joie retenue se lit dans ses yeux et sur son sourire timide. Cette grande nouvelle nous donne à tous des ailes pour dévaler les pentes puis les gorges et traverser le torrent à maintes reprises pour rejoindre Gya, car nous voulons libérer Jigmet qui rejoindra sa famille pour deux jours à Leh.
Après 7 h de marche, nous arrivons à Gya, et retrouvons avec joie Urghain et sa famille, chez qui nous avions déjà séjourné deux ans auparavant. Jigmet part en vitesse retrouver les siens tandis que nous savourons le confort retrouvé : un vrai lit, un sceau d’eau chaude et l’électricité (sans internet et c’est appréciable…) pour recharger les batteries. Nous nous régalons de thé au beurre de yak et de biscuits, qui sont rapidement suivis d’un excellent dîner préparé avec les produits du jardin.
Gya est situé à seulement 3 h de route de Leh, la capitale du Ladakh, qui fut longtemps un véritable carrefour de civilisation, sur l’un des axes des routes de la Soie, synonyme d’un mouvement d’hommes, de marchandises et d’idées. Mais ici, perchés à 4200 m d’altitude, nous nous sentons très loin de l’agitation de Leh. Village du bout du monde, Gya, est reste hors du temps, avec ses maisons peintes à la chaux, ses cultures d’orge ordonnées, ses canaux, ses petits potagers et ses milliers de chèvres et moutons qui donnent vie au village chaque soir alors que les troupeaux rentrent de leur journée en montagne pour retrouver leur enclos.
La vie des paysans ladakhis est éreintante en période estivale. Debout vers 5.30, ils commencent par traire les chèvres, puis déjeunent, puis, sortent celles qui vont passer la journée en montagne avec un(e) berger(ère). Le reste de la famille travaille aux champs toute la journée, avant que les chèvres ne rentrent la nuit tombée, ils préparent alors leur repas, dînent et ressortent pour donner à manger au bétail. Douze à quatorze heures de travail chaque jour, rien que ça ! Le reste de l’année, entre octobre et mai, rien ne pousse ou presque et les paysans se concentrent alors sur les activités d’élevage, encore plus chronophages car il faut d’avantage nourrir les bêtes en raison de la présence de la neige dans les montagnes. C’est aussi l’occasion de faire de la vannerie et de célébrer les mariages et les fêtes monastiques.
Après une nuit « tout confort », nous passons notre Jour OFF à nous reposer et nous balader dans le village. En passant près d’un champ nous regardons une quinzaine de villageois qui s’affairent autour d’une batteuse, grosse machine bruyante et rafistolée trônant au milieu d’un petit champ. Ils y enfournent à la main des gerbes d’orge, se redressent, nous sourient, et reprennent leur travail. Il est inhabituel de moissonner à la fin du mois d’août, et lorsque je demande à Urghain pourquoi avoir commencer à faucher si tôt, il m’explique la mine déconfite qu’il a, comme tous les villageois de Gya, perdu la moitié de sa récolte annuelle d’orge en raison d’une chute de neige survenue il y a une semaine, d’une épaisseur de quinze centimètres …. C’est une situation catastrophique pour ces villageois, car malgré une certaine diversification économique avec l’élevage des chèvres et pour certains comme Angchuk le métier très saisonnier d’horse man pour les trekkeurs, l’orge reste la première activité économique…
En fin de journée, nous allons à la rencontre de la sœur de Urghain, bergère. Nous scrutons un bon moment les crêtes sans vraiment savoir d’où va apparaitre son troupeau alors que la lumière commence à faiblir, le ciel prendre des couleurs pastelles, et finalement c’est des crêtes du Nord que descendent à un bon rythme les 200 chèvres et moutons, et bientôt la silhouette de la bergère apparait, son gros chien adorable à quelques mètres derrière elle. Nous revenons au pas de course au village, Tenzin et Lhamo aidant la bergère à rassembler au maximum les bêtes dans leur course jusqu’à leur enclos, comme si elles avaient fait ce métier toute leur vie, en ouvrant les bras, et levant la voix.
Entouré par les silhouettes noires des montagnes, je regarde la nuit qui tombe et le ciel qui clignote au-dessus des falaises, du temple perché et des fermes placides, et tout n’est que silence, calme et harmonie bucolique, ponctué de sons venus du bétail, ânes, chevaux, chèvres, moutons et chiens.
Demain, nous atteindrons le Graal, le plateau du Changtang et ses campements de nomades Chang Pa.
« On dispose de tout ce qu’il faut lorsque l’on organise sa vie autour de l’idée de ne rien posséder.» Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson
À suivre…
Alex Lebeuan, fondateur de Shanti Travel
Retrouvez le premier épisode de « À petits pas » ici.
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